GUIDE PRATIQUE DE L'HYPERACTIVITE DANS L'HEXAGONE

 

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Comprendre les dyslexies

Préambule

Alors que je lui demandais des références documentaires, l'orthophoniste de mon fils m'avait simplement répondue qu'elle n'en n'avait pas car celles qu'elles connaissaient étaient trop techniques. Je n'ai pas insisté. Des années plus tard, constatant que la dyslexie de mon fils devenait le principal obstacle à ses apprentissages, j'ai posé la question au neurologue lequel m'a communiquée une référence bibliographique. Par la suite, je lui ai parlé de ma lecture pour me faire préciser certains points. J'ai eu alors la conviction qu'en limitant le plus possible les termes techniques, il devenait possible d'expliquer simplement, du moins je l'espère...


On définit ordinairement la dyslexie comme un trouble du langage écrit. Mais encore ?

Lire c'est déchiffrer et comprendre. Toute difficulté dans ces opérations mentales non assortie d'un retard intellectuel, constitue une dyslexie. Faisons comme la majorité des auteurs qui postulent que la dyslexie est avant tout une difficulté dans la lecture et /ou la compréhension du mot ( et non pas de la phase ou du texte). Or qu'est ce qu'un mot ?

Un mot c'est :

- un ensemble de sons : le mot entendu

- une image visuelle : le mot écrit

- un sens spécifique : le mot compris

On constate que des enfants :

- ont des difficultés à identifier les différents sons qui composent un mot alors qu'ils ont par ailleurs des capacités auditives intactes.

- ont des difficultés à respecter l'orthographe d'un mot : celle-ci fluctue, reste phonétique, voire même ne respecte pas les coupures entre chaque mot (les syllabes de deux mots peuvent être associées et les mots sont coupés). N'ont pas une orthographe stable des mots (celle-ci est changeante) L'image écrite du mot est imparfaite et instable alors qu'aucune difficulté visuelle n'est à déplorer.

- ont des difficultés à comprendre le sens des mots. Ceux-ci pourront être reconnus visuellement sans difficultés majeures mais leur signification sera incomprise ( chez des enfants pourtant normalement intelligents)

Les dyslexies sont l'ensemble des déficiences de ces fonctions chez des enfants qui ne souffrent par ailleurs d'aucune atteinte intellectuelle ni psychiatrique.

On constatera que certains enfants s'expriment très bien, ont un vocabulaire étendu, comprennent le sens de ce qu'ils entendent mais ont essentiellement ou principalement des difficultés à lire et à comprendre ce qu'ils lisent. Impossible d'accéder rapidement au sens quand on passe son temps à déchiffrer.

Chez d'autres enfants l'accès au langage fait apparaître des difficultés. Les spécialistes ne parlent de retard de langage que lorsque celui-ci est majeur (dysphasies...). Ces enfants n'ont donc pas à proprement parler de "retard" Mais on constatera qu'ils parleront un peu plus tard que les autres, qu'ils mettront plus longtemps à passer à la phrase, s'en tenant à une expression verbale limitée au mot. Plus tard ces enfants pourront avoir une contruction des phrases assez fantaisiste. La dyslexie peut limiter les capacités d'expression orale et écrite.

On distingue deux grands types de dyslexies : les dyslexies phonologiques qui touchent la voie d'assemblage et les dyslexies de surface qui touchent la voie d'adressage.

Ces deux voies relèvent du mécanisme d'acquisition de la lecture.

-la première étape dite "conscience phonologique" est celle de la prélecture. L'enfant est capable de repérer les unités sonores qui constituent les mots.

- l'étape d'assemblage est celle qui va lui permettre de connaître toute la codification de l'écriture, il sait qu'à chaque son correspond un dessin particulier voire plusieurs dessins, les graphèmes. Il enregistre ces dessins de façon permanente et est alors capable d'associer un phonème (unité sonore) à un graphème. La méthode dite syllabique d'apprentissage de la lecture est celle qui est la plus proche de l'assemblage. Elle est en principe plus accessible pour les dyslexiques.

L'assemblage donne les moyens de déchiffrer la grande majorité des mots de sa langue maternelle. Lorsque la voie d'assemblage est atteinte, on parle alors de dyslexie phonologique. On comprend que plus le nombre de graphèmes associés à un phonème sont nombreux plus les difficultés d'un dyslexique seront importantes. Un dyslexique italien s'en sortira donc mieux qu'un anglais (langue qui comprend un très grand nombre de graphèmes pour désigner le même phonème)

Ce dyslexique phonologique pourra cependant acquérir un vocabulaire oral assez étendu et savoir s'exprimer correctement voire même avec aisance. La voie orale devra être privilégiée par rapport à l'écrit dans les apprentissages car il passera beaucoup de temps à déchiffrer. Les automatismes de l'assemblage graphèmes / phonèmes ne se faisant pas ou avec beaucoup de difficultés, il sera inévitablement lent à la lecture et donc plus lent à comprendre les textes et les énoncés.

Pour le normolecteur, l'acquisition des codes de la lecture étant acquise et stable, la constitution d'un lexique interne se fera naturellement, et progressivement. Il engrangera ainsi un nombre de mots de plus en plus importants avec l'image de leur écriture et leur sens. Il pourra donc à la lecture "sauter" la phase d'assemblage pour s'en référer de façon automatique et donc extrèmement rapide à son lexique interne. C'est la voie lexicale ou voie d'adressage.

Chez certains enfants, la constitution du lexique se fait difficilement : les mots ne sont fixés avec leur orthographe et leur sens qu'avec difficulté. Le sens est plus difficilement mémorisé. Ces enfants se retrouvent avec un vocabulaire assez pauvre et ont du mal à élargir leur dictionnaire personnel, lequel reste fixé sur les mots couramment usités. Ils leur sera également difficile et pénible de lire car le sens de ce qu'ils lisent leur échappe. Tout mot nouveau ne pourra pas être compris dans le contexte puisque l'accès au sens des mots est défectueux. Cette dyslexie est dite dyslexie de surface.

L'écrit dans la dyslexie est toujours atteint. Mais la nature des fautes commises variable selon la fonction touchée. La dyslexie phonologique conduira à une écriture assez difficile à déchiffrer. Le dyslexique de surface sera plus lisible mais il aura tendance à écrire les mots de façon phonétiquement logique. Tous deux auront bien entendu des difficultés rédactionnelles. L'atteinte de la voie d'adressage conduit à une construction désordonnée de la phrase, les différents termes étant placés de façon inattendue dans la phrase : la syntaxe n'est pas acquise.

Les dyslexies sévères concernent de façon simultanée la voie d'assemblage et la voie d'adressage. Il n'y a pas de forme pure de dyslexie d'autant plus que les deux voies sont intimement liées dans l'acquisition de la lecture. Un dyslexique de surface ainsi aura des difficultés dans la lecture des mots irréguliers, un dyslexique phonologique accèdera au sens d'autant plus difficilement qu'il passera du temps à déchiffrer.

 

Jusqu'à une date récente, on considérait qu'il n'y avait de dyslexie que phonologique, la deuxième grande catégorie de dyslexie ou dyslexie de surface est encore contestée. Certains considèrent qu'elle n'est pas à proprement parler un déficit des fonctions du langage écrit mais qu'elle serait la résultante d'un autre trouble (visuo-attentionnel par exemple : le fait que beaucoup de TDA/H en soient atteints, n'est certainement pas étranger à cette théorie).

De façon très pragmatique, d'autres considèrent les résultats qui touchent à la qualité de l'expression orale et écrite du sujet. Pour ces auteurs, il s'agit bel et bien d'une dyslexie.

Cette attitude pragmatique qui est le résultat de l'observation clinique me convient bien en tant que parent. Car ce qui m'importe c'est la difficulté et ses répercussions sur les apprentissages. Tant qu'on en sera à des méthodes de compensation ou de rééducation et non pas à envisager de guérir de ce handicap (on est dyslexique à vie), les discussions de spécialistes serviront malheureusement d' argument pour ceux qui doutent encore de l'existence de ce trouble neurologique et qui s'accrochent à des explications de nature sociologique ou psychologique.

Ce qu'on ne dit pas assez lorsque l'on parle des dyslexies : dans tous les cas la mémoire de travail (ou mémoire immédiate) est atteinte. De façon plus ou moins importante, ce qui explique que certains parviennent malgré leur dyslexie à faire des études supérieures. Celles-ci sont sévèrement compromises en cas d'atteinte sévère de la mémoire de travail. Ce problème demeure après les rééducations et nécessite des entraînements réguliers pour être améliorée ou entretenue.

La mémoire de travail c'est la capacité de mémoriser et de traiter des informations pendant un laps de temps bref. C'est elle qui est mobilisée par la lecture. Lire, c'est garder en mémoire le début de la phrase lorsqu'on est arrivé à la fin. C'est ainsi que l'on donne du sens au texte.

C'est la déficience en mémoire immédiate qui explique que les informations apprises au prix de nombreuses heures de travail soient si vite oubliées. Tous les dyslexiques sont confrontés à ce problème décourageant qui les met dans l'incapacité de se souvenir en temps utile de ce qu'ils ont récemment appris. C'est cette particularité qui les fait traiter de paresseux et qui entretient le grand malentendu sur leur supposée fainéantise.

Les efforts actuels de l'Education nationale en faveur de la lecture me laissent très perplexe. En tout cas ils ne permettront pas à un dyslexique d'améliorer ses capacités de lecteur car il ne suffit pas de lire beaucoup pour y parvenir. Un dyslexique ralenti par ses difficultés de mémoire de travail, d'assemblage ou d'adressage ne peut tirer aucun profit de l'accroissement du nombre de textes lus si l'on ne tient pas compte des obstacles qu'il rencontre.

Tout le monde comprendra que le déficit attentionnel est un facteur qui vient majorer les effets de la dyslexie et réciproquement.

Si l'on additionne le déficit de la mémoire de travail avec le déficit attentionnel, on aura un enfant très distractible dans l'incapacité de se souvenir de ce qu'il vient de faire quelques secondes auparavant. C'est à dire qu'il lui sera particulièrement difficile de compenser par la répétition puisqu'il est dans l'incapacité de focaliser son attention.

Il est bon de rappeler à ce stade que selon les études 40 % des hyperactifs sont atteints d'une dyslexie de surface. Aussi, lorsque la prise de ritaline n'a pas d'effets sensibles sur les apprentissages, il faut impérativement envisager l'existence d'un trouble d'apprentissage associé.

Carla

Nota - un lien utile pour les enseignants : http://www.bienlire.education.fr/02-atelier/fiche.asp?theme=1140&id=1114